© CDHS - SAINT-CLEMENT - 2019
© CDHS - SAINT-CLEMENT - 2019
Les parfums,
les sourires de Mère-Grand !
Valérie !
Petite fille des montagnes
Taintrux à la campagne
Les bois, les monts, les Hautes-Vosges
Une jeunesse sans ombrage
Les vallées bleues, les prés, les fleurs
C'est là tout ton bonheur
Là-haut sur la montagne
Vivait une petite fille
Les oiseaux étaient ses compagnes
Et les fleurs ses amies
Pendant l'hiver, pendant l'été
Quand le soleil brillait
Toute la vallée résonnait
De son rire enchanté
Tes chants résonnent fort
En français, en patois
L’écho les fredonne encore
Jusque dans les sous-bois
Marie, Victor, Joseph, Josette,
Tes proches si chers et tes p’tites fillettes
Tu les as chéris si longtemps
Et accompagné ardemment
Arrière-Grand-Mère Valérie
A jamais ton regard est notre abri.
Mère-Grand
a
vu
le
jour
dans
les
Hautes-Vosges
entre
deux
montagnes
verdoyantes.
Elle
est
née
avant
la
première
guerre
mondiale.
Elle
est
née
sans
plastique,
sans
téléphone,
sans
télé,
sans
internet,
sans
cliniques,
sans congés de maternité.
Valérie,
tu
aimais
tes
parents
mais
ton
père
Victor
Augustin
Barbier
est
parti
bien
trop
tôt.
Il
n’a
pu
assister
à
ton
mariage
avec
Joseph.
Il
est
mort
la
même
année
en
1931.
Le
24
novembre
1945
Joseph
a
hérité
à
Sainte-Hélène
de
ses
parents
Renard
/
Thomas
plusieurs
lots
dont
un
hagis
aux
Voués,
de
près
à
Vreby,
Pré
de
la
Côte,
A
la
courte
Pie,
d’un
verger
Le
Village,
d’une
maison
lieu-dit
Le
Village.
Cette
maison
se
situait
à
cent
mètres
à
peine
de
celle
des
parents de Joseph.
Quand
les
boches
sont
revenus
pour
la
deuxième
fois,
tu
étais à Sainte-Hélène. Joson ton mari était maçon.
Quand
il
est
revenu
de
la
guerre
il
était
faible,
pas
de
sang
comme
on
disait,
et
dans
les
Vosges,
être
faible
c’était
boire.
Et
il
buvait
le
Joson
!
Combien
d’hommes
revenus
de
la
guerre
n’ont
jamais
pu
reprendre
leur
rôle
de père et d’époux !
Courageuse
et
active,
tu
travaillais
pour
Josette
et
ton
gendre
Hubert,
et
ensuite
pour
tes
trois
petites
filles
Jocelyne, Chantal et Claude.
À
Sainte-Hélène
dans
ta
maison,
on
entrait
chez
Mère-Grand
en
empruntant
l’allée
du
cimetière
et
par
la
porte
couleur
bleu
avec
quelques
barreaux
pour
rassurer.
La
p’tite
cuisine
avec
ton
frère
Paul et sa femme Emma
On
pénétrait
par
la
cuisine,
la
grande
cuisine
où
une
table
ronde
avec
son
tapis
brodé
et
un
joli
vase
accueillait
le
visiteur.
À
droite
régnait
la
petite
cuisine,
celle
que
Mère-
Grand utilisait.
Sur
le
côté
droit
se
trouvait
un
meuble
en
formica
bleu,
puis
son
évier,
plutôt
la
pierre
à
eau.
Mon
père
Hubert
avait
installé
un
robinet
d’eau
froide.
Il
n’y
avait
pas
l’eau
chaude.
Au-dessus
de
la
pierre
à
eau,
une
fenêtre
donnait sur le potager du voisin.
En
face
se
tenait
le
fourneau.
Le
fourneau
toujours
alimenté
servait
de
chauffage,
d’eau
chaude,
de
gazinière,
de
séchoir,
de
machine
à
laver…
Tout
l’électroménager
de
ma Mère-Grand.
Ma
Grand-Mère
se
tenait
assise
près
de
lui,
le
dos
contre
lui.
Un
poste
radio
se
trouvait
sur
la
table
avec
sa
toile
cirée
ornées
de
fleurs
printanières.
C’est
là
qu’elle
épluchait
le
journal
chaque
matin.
Juste
deux
chaises
c’était
suffisant.
Elle
était
seule,
et
la
voisine
venait
chaque
jour
boire
un
coup
de
café.
Et
à
côté
se
trouvait
le
buffet
garni
de
café,
chocolat
et
autres
saveurs.
Les
dates
de
péremption
ne
servaient à rien. On ne gâche rien.
A
côté
se
trouvait
le
frigidaire
avec
du
beurre
que
tu
allais
chercher chez
La Pauline
.
La p’tite cuisine était le cœur de la maison, la chaleur
partait de là et faisait ce qu’elle pouvait pour atteindre
les autres pièces. Entre les deux cuisines, plus de dix
degrés parfois les séparaient.
C’est toujours par-là que l’on entrait. Une autre
porte existait pourtant, c’était la grange. La porte de la
grange donnait sur les lapins, le foin, la charrette à herbe,
le stock de charbon, les échelles accrochées sur les blocs
de pierre. En traversant la grange, on prenait la porte,
souvent verrouillée depuis la grande cuisine et il fallait se
baisser !
Parfois l’été Mère-Grand nettoyait les haricots-ramant du
jardin, des corbeilles entières à l’entrée de la grange !
Sa maison avait froid aux extrémités. Elle aurait été classé
Z dans la nomenclature actuelle du niveau énergie
consommée. L’énergie, comme le sang dans les jambes
de Valérie, circulait mal.
Quand Valérie lavait son carrelage, ses dalles en terre
cuite, il se livrait une bataille écharnée du sec contre
l’humide. Lorsqu’il pleuvait, le sol était aussi mouillé.
À l’étage se trouvait deux chambres. On y accédait par
une porte gris-clair donnant sur un escalier en bois
datant de 1888. Dans la chambre orientée vers le
cimetière reposaient de nombreuses pommes du verger
durant tout l’hiver.
Au rez-de-chaussée se trouvait ta chambre avec un
fourneau qui servait aussi de salle à manger. Je revois
Joson arpenter les lieux en bougonnant.
Plus tard je t’ai installé un téléviseur en couleur avec un
magnétoscope. Je t’ai offert une compilation de cassettes
vidéo avec Fernandel, Bourvil, les Don Camillo.
Tu écoutais aussi des cassettes que j’avais piratées ; tu
aimais l’accordéon, les vieilles chansons françaises des
années trente, Jacques Lantier, Berthe
Sylva…. dans la petite cuisine.
Tu chantais les chansons françaises…
On n’a pas tous les jours vingt ans !
C’est aujourd’hui dimanche…
Un beau buffet meublait ta grande cuisine avec
plusieurs services à café, une collection de flacons en
Baccarat, un Renard en « Grés flammé ».
Dans ce buffet, tu sortais chaque dimanche lors de nos
visites un gâteau Kouglof avec ses raisins secs et une
bouteille de Clairette de Die.
Depuis cette pièce avec une trappe on accédait à la cave
où tu stockais les pommes de terre de ton jardin, les
bocaux de mirabelles, les petits pois dans des bouteilles
en verre. Cette cave où tu as cru que c’était ta dernière
heure à cause de la guerre. C’était quelques heures avant
l’armistice. Tu vois encore le regard de ce boche et de sa
mitraillette.
Et pour finir l’inventaire des pièces habitables, tu avais
une cage de perruches vert et bleu qui a fini en bas de
laine.
Au fond de la grange se trouvait une vraie
quincaillerie où je jouais à la marchande pendant mes
vacances. C’est là qu’entreposait Joson des boites de
conserves vides ou tous autres trésors.
« C’est des vieilleries, ça ne sert plus à rien », me disais-tu.
En face se trouvait son établi avec un grand poêle. Sur la
porte était noté « JR ». À cause de toi, de l’atelier, de ta
maison, j’adore les quincailleries de campagne et les
magasins verts : les sacs de graines, les outils de
jardinage, les paniers, tout ce bric-à-brac de campagne.
Ton regard est là et c’est là qu’est mon
aspirine maintenant…
Bienvenue
sur l’Espace de…
« Joson et La Poux »